L’oeil du miroir
Ayant eu l’immense heur de travailler avec Eric, à plusieurs reprises d'ailleurs tissant texte et photos, ou l'inverse j’ai donc eu le singulier loisir d'observer quelqu'un aux prises avec de l'écriture lumière, dressant entre son œil et le monde un écran de technique où diaphragmes, cadres, focales, argentique, numérique sont les mots clefs. Le tout au service de sa sensibilité, bien évidemment.
Dans chaque projet Eric travaille ainsi à déconstruire ses certitudes pour toujours inventer des transversales inédites, promptes à traquer propices la géographie de l'homme dans son espace à la fois intérieur et extérieur. Derrière sa débonnaire dégaine de médecin de campagne Flaubertien, avec son gros cartable et son regard pétillant, Eric a toujours eu plus d'un tour d'avance dans son sac. Pour cette expérience-ci, il nous entraine presque chez Lewis Carol dans une sorte de traversée du miroir au sens propre du terme. Éric déconstruit le traditionnel rituel optique dans la mesure où l'objet même du regard disparaît.
A t'elle enseigne qu'on ne voit plus ce qu'il y devant l'objectif mais ce qu'il y a derrière. Grâce à un ingénieux dispositif, le photographe parvient à graver ce qui se reflète dans un miroir, visage, objet, statue, attribuant dès lors un statut d'ubiquité au réel. Il s'y opère ainsi une sorte de perversion de l'espace Euclidien, quelque chose de presque maléfique dans la séculaire tradition de l'axiomatique du regard. Certes tout cela fait très Géo Trouvetout, à la fois cave et Grenier du concours Lépine. Tenant en même temps d'une orientale philosophie du miroir (le même et l'autre etc.) et d'une rigueur toute Cartésienne ( la théorie du sujet) on est promené l'air patelin, dans la suggestion d'un univers peuplé de clins d'œil à des lièvres de Mars, des chapeliers fous, et des champignons empoisonnés. De plus le choix délibéré du noir et blanc dans la démarche d'Eric Didym confère à son travail un côté Hellénique dans le drapé très burin de la sculpture de la lumière plutôt que dans un léché pinceau proche de la peinture. en fin de compte on sent le romanesque vieil argent poindre entre les masses et les volumes, les champs et les contrechamps qui reproduisent non pas le réel mais ce que ce cher Roland Barthes appelait si justement un effet de réel. En attribuant le statut de machine désirante a l'appareil photo l'artiste s'inscrit d'emblée dans une interlocution, tout originale, il devient par cette action même le magistral Pygmalion de son propre fantasme.
AZIZ CHOUAKI
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« L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que
qui veut faire l’ange fait la bête. »
Blaise Pascal
2012-2013
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Médiateur entre le sensible et l’être, l’instant et l’intemporel, l’ange traverse les intervalles, les trajectoires et les espaces religieux depuis la plus haute antiquité. L’ange est une créature céleste, un messager, un pur esprit, il n’a pas besoin de langage pour communiquer car les êtres purement spirituels peuvent transmettre leurs pensées sans besoin de médiation ou de signes.
Dans ce projet j’ai tenté de réunir mes questionnements sur ma propre spiritualité.
Aujourd’hui dans ce monde « moderne » et multiforme, je crois que plus que jamais dans l’histoire de l’humanité, l’état de la planète dépend entièrement de nos pensées et de nos actes et plus que jamais nous avons besoin d’une spiritualité qui prend ses racines dans l’amour de la nature, de la terre et du ciel.
La grande majorité de nos contemporains aspire à la paix et pourtant il y a un effondrement des idéologies et les religions s’enlisent se traduisant par un déferlement d’un fanatisme attisé à des fins politiques.
Si les nouveaux courants de la philosophie contemporaine tournent autour de la question du sens c’est parce que notre civilisation occidentale exprime sa nostalgie vers une harmonie retrouvée et une voie spirituelle parfaitement adaptée à cet héritage et à ses espérances.
Une spiritualité qui prend ses racines au début du millénaire et même au-delà, qui répond à cette attente de sens, de cohérence et d’harmonie car l’être humain, depuis la nuit des temps a désespérément besoin de symboles et de références mythiques.
Eric Didym, Avril 2013
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Ailleurs
Roulis et ressac, la mer irise son chant, elle le palme solaire et repousse l’horizon. A deux doigts de la main. Le là bas vient alors se lover au creux du rêve, l’Europe et ses atours, l’a capella ludique de ses mythiques sirènes qui somme tous les valides de quitter la tribu.
Les embruns bondissants et les mouettes mornes, s’insinuent silhouettes hagardes des ombres ocellant les rambardes, errance des regards, par delà le vaste ciel.
Tels Ulysse ou Sindbad, ces grands héros des flots, brille sur leur poitrine le signe du voyage.
Décalcomanie défraîchie, racontars de bars, ragots de marins l’image d’Europe esquif les imaginaires.
Le grand large, les blondes utopies, le facile Cécile, parce que, simplement, derrière, c’est déjà barbelé, les lendemains, s’entend.
Capter cette juste instance, à mi chemin de tout, dès lors tout se situe dans ce presque départ, cet endroit intégral où gîtent tous les possible, jusqu’à fabuler Schéhérazade la triomphale légende de l’à peine arrivée.
Le voyage en soi est occulté, hors de rêve, parce que la théorie des frontières, parce que la dictature des identités, parce que les visas, le cadenas du non possible.
Reste la saveur, amère et douce, en effet, loin des yeux, cette posture bien ultramarine que définissent ses figures, l’amante qui attend son marin sur le mole, les chansons , les cultures de tous les exils des hommes.
C’est la mer, bien sûr, qui la donne, la saveur.
Aziz Chouaki
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La géographie des visages, regards perdus dans les plaines et vallons de l’arrière mémoire, adolescences griffées guerre d’Indochine. Juste à voir, quand l’Histoire grave, burin exact, les pointillés ombilicaux avec la brave France des colonies.
Bien futile et banni du négoce, tout sourire est proscrit, c’est le très martial garde à vous, comme une pudeur de Sud contre un cynisme de Nord, le premier cèle, le second dénude.
Ça donne ça, un arc transversal entre l’Orient et l’Occident, visages vestiges, peaux de parchemin. Un bien vivant palimpseste disert de par les crevasses, les joues et le front striés de rides, autant de hiéroglyphes obscurs bien jaloux de leur chiffre.
Véritable archéologie du souvenir, ces figures qui fixent le sens, troufions ou caporaux d’alors, la trace du carnage se signe, dès lors, en silence, la vérité s’évade enfin de son mutisme. Sur le vélin des jours, et sur celui des hommes, elle délivre son éclatante et simple parole, à savoir : il y a des morceaux de France à jamais enkystés dans la chair du Maghreb.
Ou bien l’inverse, c’est absolument selon.
Surtout de nos jours…
Aziz Chouaki
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